abstract: En 1744 L. Euler propose une méthode générale pour trouver des courbes qui satisfassent à une propriété de minimum ou de maximum. Il expose un procédé de figuration et de calcul soigneusement gradué : une courbe représente ici une fonction y de x (x est l’abscisse, y est l’appliquée ou ordonnée) ; on cherche à optimiser une propriété associée à cette courbe, c’est à dire une grandeur analytiquement exprimée par une expression F(x,y,y’,…) dont on recueille l’intégrale S F le long de la courbe entre deux points fixés. Si on choisit une autre fonction y, et donc une autre courbe, comment varie l’intégrale de la propriété F ? Où atteindra-t-elle son minimum ou son maximum ? Où, c’est à dire pour quel choix de y ? Comme c’est le cas pour les fonctions usuelles d’une seule variable, il faut, si l’on veut un minimum ou un maximum, que la différence s’annule entre deux valeurs voisines. En regardant donc à quelles conditions la « valeur différentielle » entre les valeurs de S F pour deux courbes voisines peut s’annuler, Euler obtient l’expression des contraintes qui définiront la fonction y optimale. Dans ce but, la variation d’une courbe à une autre est matérialisée par un petit segment d’ordonnée additionnel (ou plusieurs segments si le problème l’exige). On obtient ainsi la condition nécessaire pour que y optimise la quantité S F. Euler se laisse guider par son programme général de réduction à l’analyse, exposé par exemple dès 1736 dans la préface de sa Mechanica. Il déclare néanmoins indispensable de prendre appui sur l’intuition visuelle des courbes, qui rend le raisonnement plus clair et plus commode et prépare aux applications physiques. Sans la vision des courbes et l’inspection des figures, le raisonnement serait abstrus, ennuyeux et inélégant (§ 33 de la Methodus). Euler crée ainsi une nouvelle discipline mathématique, qui propose un outil et donne son unité et ses articulations à tout un vaste domaine hétéroclite de problèmes traditionnels. Cette méthode permet en effet de « traduire » sous forme de courbes et d’exprimer analytiquement par des fonctions tous ces problèmes en leur assignant une place définie dans une hiérarchie de complexités. Parmi ces problèmes hérités de la tradition depuis les Grecs, on compte les problèmes d’isopérimètre (Zénodore), de plus court chemin (Héron), de temps de parcours minimal (Jean Bernoulli), de moindre résistance (Newton), de moindre action (Maupertuis). Chaque cas avait sa méthode de démonstration particulière, dont on donnera des exemples. Euler lègue en même temps à la postérité des questions épineuses et passionnantes : Comment concevoir, représenter et mesurer la distance entre deux courbes voisines ? y a-t-il toujours une courbe ou fonction qui optimise la propriété choisie ?